Intervention de Chantal ROBIN RODRIGO, Députée PRG des Hautes Pyrénées, dans la discussion de la loi sur les OGM


Mme Chantal Robin-Rodrigo - Membre de la mission d'information sur les OGM en 2005, j'avais exprimé plusieurs réserves quant aux conclusions du rapport, sur le vote duquel je m'étais abstenue. Je m'opposais notamment à la culture et à la commercialisation des OGM tant qu'une évaluation publique de l'ensemble des essais en plein champ ne serait pas effectuée. C'est une condition nécessaire pour que l'on puisse mener un vrai débat avant toute prise de décision. Rien n'ayant permis de lever les interrogations sur les conséquences des OGM en matière sanitaire et environnementale, ma position n'a pas varié.

La suspension de la mise en culture du maïs Monsanto 810 témoigne des risques encourus. La Haute autorité a ainsi relevé plusieurs faits scientifiques nouveaux : la dissémination peut avoir lieu sur de très grandes distances, et les effets toxiques sont avérés. Mais la cacophonie politique et scientifique qui a entouré ce projet de loi ne permet pas d'aborder dans la sérénité la question complexe des OGM : quelle agriculture voulons-nous ? Quels risques la société est-elle prête à accepter en matière d'environnement et de santé ? Quelle place faut-il réserver à la recherche et à la science dans notre société ? Par ailleurs, en supposant que les OGM présentent des avantages au plan économique, à qui bénéficient-ils réellement ? Et quelle place devons-nous accorder aux autres modes de production ?

Certaines caricatures donnent une image consternante de notre débat. La communauté scientifique elle-même est divisée, faisant ainsi l'aveu de son impuissance à évaluer les effets des OGM, faute de temps et de moyens. À ce jour, la plupart des expérimentations en plein champ autorisées par le Gouvernement ont éludé la question de l'impact sur l'environnement et la santé.

L'opinion publique, échaudée par plusieurs crises sanitaires, est à 70 % hostile à la commercialisation des OGM. Nous ne pouvons ignorer une telle défiance, que partagent d'ailleurs nos voisins européens.

Certes, le Grenelle de l'environnement a permis de prendre plusieurs engagements relatifs à la responsabilité, au principe de précaution, à la transparence de l'information ou encore à la liberté de choix. À quoi serviront-ils s'ils sont mis sous le boisseau, comme on dit en Bigorre, dès les prochains mois ? En effet, le projet de loi issu du Sénat, s'il met notre législation en conformité avec la directive européenne, ouvre grand la porte à l'extension des cultures OGM au détriment des autres modes de production, en prévoyant une coexistence - que l'on sait scientifiquement impossible - entre OGM et produits conventionnels sur la base d'un taux d'étiquetage de 0,9 % plutôt que d'un seuil de présence fortuite. Choix inacceptable, qui provoquera un recul évident de l'agriculture biologique, filière que nous avons pourtant tout intérêt à préserver. Par ailleurs, le texte ne protège pas l'agriculture biologique ou conventionnelle, ni même l'apiculture, de la contamination génétique. Or, privilégier un seul mode de production revient à priver le consommateur de sa liberté de choix.

D'autre part, le projet de loi limite la réparation du préjudice, de façon à exclure les plantes situées en deçà du seuil d'étiquetage. En Allemagne, au contraire, le préjudice est retenu pour des contaminations par des plantes inférieures à ce seuil dans le secteur biologique.

En somme, les cultures génétiquement modifiées laissent peu de place aux autres, qui seront confrontées à une réduction de leurs gains, à un risque de déclassement, à une perte de clientèle voire à une reconversion, ou pire, une mort annoncée.

La question des OGM ne concerne pas que les scientifiques : elle nous concerne tous en tant que citoyens, élus ou parents. Les expériences menées à l'étranger sont éclairantes et doivent nous inviter à davantage de modestie. Elles sont même de nature à atténuer l'ardeur de ceux qui considèrent les biotechnologies comme une culture respectueuse des hommes et de leur environnement, propre à éteindre les famines. En Inde, les paysans qui cultivent le coton BT sont endettés parce qu'ils doivent régulièrement racheter à Monsanto un brevet qui leur coûte plus cher que la plante conventionnelle, au point qu'ils sont plus pauvres que jamais.

M. François Brottes - Jusqu'à se suicider !

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Au Mexique, la contamination par le maïs transgénique américain menace le maïs traditionnel, qui constitue pourtant la base de l'alimentation rurale. Au Paraguay, on déforeste et on expulse pour étendre la culture du soja transgénique destiné au bétail européen. La monoculture transgénique pousse chaque année 100 000 personnes à fuir la campagne pour s'entasser dans des bidonvilles. En Argentine, le soja transgénique, qui occupe plus de la moitié des terres arables, a provoqué une catastrophe sanitaire et environnementale à cause de l'augmentation des pesticides.

Est-ce ce modèle que nous voulons adopter ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Est-ce cette agriculture industrielle et standardisée que nous souhaitons ? Ironiser en accusant les uns d'obscurantisme et les autres d'hérésie est indécent, notamment vis-à-vis des milliers de victimes de l'amiante à qui l'application du principe de précaution aurait été fort bénéfique. Ce principe, en effet, est un dopant qui aide la science à réduire le domaine de nos incertitudes. Donnons-nous davantage de temps ! Les folies d'aujourd'hui sont les malheurs de demain, mais nos enfants ne seront pas amnésiques ! Faute d'améliorations notables, nous serons donc contraints de rejeter ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; brouhaha sur les bancs du groupe UMP).
par Jean-Philippe Guerini publié dans : Travail Parlementaire
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